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le creusot

un bruit fait de mille bruits, que coupe d’instant en instant un coup formidable, un choc ébranlant, la ville entière.

Entrons dans l’usine de MM. Schneider.

Quelle féerie ! C’est le royaume du Fer, où règne Sa Majesté le Feu !

Du feu ! on en voit partout. Les immenses bâtiments s’alignent à perte de vue, hauts comme des montagnes et pleins jusqu’au faîte de machines qui tournent, tombent, remontent, se croisent, s’agitent, ronflent, sifflent, grincent, crient. Et toutes travaillent du feu.

Ici des brasiers, là des jets de flamme, plus loin des blocs de fer ardent vont, viennent, sortent des fours, entrent dans les engrenages, en ressortent, y rentrent cent fois, changent de forme, toujours rouges. Les machines voraces mangent ce feu, ce fer éclatant, le broient, le coupent, le scient, l’aplatissent, le filent, le tordent, en font des locomotives, des navires, des canons, mille choses diverses, fines comme des ciselures d’artistes, monstrueuses comme des œuvres de géants, et compliquées, délicates, brutales, puissantes.

Essayons de voir, et de comprendre.

Nous entrons, à droite, sous une vaste galerie