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en bretagne

fille chérie, mais qui l’informa de l’avertissement de Dieu. Elle n’en tint pas compte, et se livra, au contraire, à de tels débordements que la ville entière l’imita, devenue une cité d’amour, dont toute pudeur et toute vertu disparurent.

Une nuit Dieu réveilla le saint pour lui annoncer l’heure de sa vengeance. Le saint courut chez le roi demeuré seul vertueux en ce pays. Le roi fit seller son cheval, en offrit un autre au saint qui l’accepta ; et, un grand bruit les ayant effrayés, ils aperçurent la mer qui s’en venait par la campagne, bondissante et mugissante. Alors la fille du roi parut à sa fenêtre, criant : « Mon père, allez-vous me laisser mourir ? » Et le roi la prit en croupe, puis s’enfuit par une des portes de la ville, alors que les flots entraient par l’autre.

Ils galopaient dans la nuit, mais les vagues aussi couraient avec des grondements et des écroulements terribles. Déjà leur écume rampante atteignait les pieds des chevaux, et le vieux saint dit au roi : « Sire, rejetez votre fille de votre cheval, ou sinon vous êtes perdu. » Et la fille criait : « Mon père, mon père, ne m’abandonnez pas ! » Mais le saint se dressa sur ses étriers, sa voix devint retentissante comme le tonnerre et il annonça : « C’est la volonté de