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en bretagne

d’étonnant aussi à ce qu’on ne le tue pas ?

J’allais devant moi, sur la route grise ferrée de granit et luisante quand brille le soleil. La plaine des deux côtés est plate, semée d’ajoncs. De place en place, une grosse pierre couchée entretient dans la pensée le constant souvenir des druides ; et le vent qui souffle au ras de terre, siffle dans les buissons épineux. Parfois, un bruit sourd, comme un coup de canon lointain, fait frémir le sol ; car j’approche de Penmarch, où la mer s’enfonce, paraît-il, en des cavernes sonores. Les lames engouffrées en ces trous secouent la côte entière, se font entendre jusqu’à Quimper, par les jours de tempête.

Depuis longtemps déjà on aperçoit la grande ligne des flots gris, qui semblent dominer toute cette campagne nue et basse. Crevant partout la vague, des rochers, des troupeaux d’écueils pointus montrent leurs têtes noires cerclées d’écume comme si elles bavaient ; et là-bas, contre l’eau, quelques maisons frileuses cherchent à se cacher derrière de petits tas de pierres pour éviter l’éternel ouragan du large et la pluie salée de l’Océan. Un grand phare, qui tremble sur sa base de rochers, s’avance jusqu’à la vague, et les gardiens racontent que parfois, dans les nuits de tour-