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en bretagne

par les villages, on ne rencontre personne qui sache un mot de français. Enfin quelque curé, qui lit son bréviaire en marchant à pas mesurés, vous apprend avec politesse que ce mouton constitue la part du loup.

Un mouton vaut moins qu’une vache, et, comme sa prise n’offre aucun danger, le loup toujours le préfère. Mais il arrive souvent que les vaillantes petites vaches forment un bataillon carré pour défendre leur innocent camarade, et reçoivent au bout de leurs cornes affilées la bête hurlante en quête de chair vive.

Le loup ! Là aussi on le retrouve ce loup légendaire qui terrifia notre enfance, le loup blanc, le grand loup blanc que tous les chasseurs ont vu et que personne n’a jamais tué.

Jamais on ne l’aperçoit au matin. C’est vers cinq heures en hiver, au moment où le soleil se couche, qu’il apparaît filant sur une cime dénudée, traînant sur le ciel sa longue silhouette qui passe et fuit.

Pourquoi personne ne l’a-t-il tué ? Ah ! voilà. Une supposition cependant. Les forts déjeuners de chasse commencent toujours vers une heure et finissent à quatre. On a beaucoup bu et parlé du loup blanc. En sortant de table, on le voit. Quoi