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aux eaux

dit à mesure qu’on approche. C’est là ce qu’on appelle le passage de la Gemmi, un des plus beaux des Alpes, sinon le plus beau.

Berthe s’appuyait sur moi, poussait des cris de joie et des cris d’effroi, heureuse et peureuse comme une enfant. Comme nous étions à quelques pas des guides et cachés par une saillie de roche, elle m’embrassa. Je l’étreignis.

Je m’étais dit :

— À Loëche, j’aurai soin de faire comprendre que je ne suis point avec ma femme.

Mais partout je l’avais traitée comme telle, partout je l’avais fait passer pour la marquise de Roseveyre. Je ne pouvais guère maintenant l’inscrire sous un autre nom. Et puis je l’aurais blessée au cœur, et vraiment elle était charmante.

Mais je lui dis :

— Ma chère amie, tu portes mon nom ; on me croit ton mari ; j’espère que tu te conduiras envers tout le monde avec une extrême prudence et une extrême discrétion. Pas de connaissances, pas de causeries, pas de relations. Qu’on te croie fière, mais agis en sorte que je n’aie jamais à me reprocher ce que j’ai fait.

Elle répondit :

— N’aie pas peur, mon petit René.