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aux eaux

ride, que nous avons longtemps suivi. Un guide nous apporta quelques edelweiss, les pâles fleurs des glaciers. Berthe s’en fit un bouquet de corsage.

Soudain, la gorge de rochers s’ouvrit devant nous, découvrant un horizon surprenant : toute la chaîne des Alpes piémontaises au delà de la vallée du Rhône.

Les grands sommets, de place en place, dominaient la foule des moindres cimes. C’étaient le mont Rose, grave et pesant ; le Cervin, droite pyramide où tant d’hommes sont morts, la Dent-du-Midi ; cent autres pointes blanches luisantes comme des têtes de diamants, sous le soleil.

Mais brusquement le sentier que nous suivions s’arrêta au bord d’un abîme, et dans le gouffre, dans le fond du trou noir creux de deux mille mètres, enfermé entre quatre murailles de rochers droits, bruns, farouches, sur une nappe de gazon, nous aperçûmes quelques points blancs assez semblables à des moutons dans un pré. C’étaient les maisons de Loëche.

Il fallut quitter les mulets, la route étant périlleuse. Le sentier descend le long du roc, serpente, tourne, va, revient, dominant toujours le précipice, et toujours aussi le village qui gran-