panorama des Alpes que je ne connaissais point ; et nous voici partis à travers la ville, comme deux jeunes mariés.
Et soudain nous apercevons une plaine démesurée, et là-bas, là-bas, les glaciers. De loin, comme ça, ils ne semblaient pas immenses, et cependant cette vue m’a fait passer un frisson dans les veines. Un radieux soleil couchant tombait sur nous ; la chaleur était terrible. Ils restaient froids et blancs, eux, les monts de glace. La Jungfrau, la Vierge, dominant ses frères, tendait son large flanc de neige, et tous, jusqu’à perte de vue, se dressaient autour d’elle, les géants à tête pâle, les éternels sommets gelés que le jour mourant faisait plus clairs, comme argentés, sur l’azur foncé du soir.
Leur foule inerte et colossale donnait l’idée du commencement d’un monde surprenant et nouveau, d’une région escarpée, morte, figée, mais attirante comme la mer, pleine d’un pouvoir de séduction mystérieuse. L’air qui avait caressé ces cimes toujours gelées semblait venir à nous par-dessus les campagnes étroites et fleuries, autre que l’air fécondant des plaines. Il avait quelque chose d’âpre et de fort, de stérile, comme une saveur des espaces inaccessibles.