Page:Maupassant - Au soleil - Ollendorff, 1902.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
aux eaux

monde. Certes elle a de l’avenir, cette enfant… au théâtre.

Elle me sembla changée de manières, de démarche, d’attitude, de gestes, de sourire, de voix, de tout, irréprochable enfin. Et coiffée ! oh ! coiffée d’une façon divine, d’une façon charmante et simple, en femme qui n’a plus à attirer les yeux, qui na plus à plaire à tous, dont le rôle n’est plus de séduire, du premier coup, ceux qui la voient, mais qui veut plaire à un seul, discrètement, uniquement. Et cela se montrait en toute son allure. C’était indiqué si finement et si complètement, la métamorphose m’a paru si absolue et si savante, que je lui offris mon bras comme j’aurais fait à ma femme. Elle le prit avec aisance comme si elle eût été ma femme.

En tête-à-tête dans le coupé, nous sommes restés d’abord immobiles et muets. Puis elle releva sa voilette et sourit… Rien de plus. Un sourire de bon ton. Oh ! je craignais le baiser, la comédie de la tendresse, l’éternel et banal jeu des filles ; mais non, elle s’est tenue. Elle est forte.

Puis nous avons causé, un peu comme des jeunes époux, un peu comme des étrangers. C’était gentil. Elle souriait souvent en me regar-