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la kabylie. — bougie

fuyant devant le fléau, affolés par l’épouvante de la flamme.

Au détour d’un vallon, je vis soudain les cinq fils télégraphiques si chargés d’hirondelles qu’ils ployaient étrangement, formant ainsi, entre chaque poteau, cinq guirlandes d’oiseaux.

Mais le cocher fit claquer son grand fouet. Un nuage de bêtes s’envola, s éparpilla dans l’air ; et les gros fils de fer, soulagés tout à coup, bondirent, se détendant comme la corde d’un arc. Ils palpitèrent longtemps encore, agités de longues vibrations qui se calmaient peu à peu.

Mais bientôt nous pénétrâmes dans les gorges du Chabet-el-Akhra. Laissant la mer à gauche, on entre dans la montagne entr’ouverte. Ce passage est un des plus grandioses qu’on puisse voir. La coupure souvent se rétrécit ; des pics de granit, nus, rougeâtres, bruns ou bleus, se rapprochent, ne laissant à leur pied qu’un mince passage pour l’eau ; et la route n’est plus qu’une étroite corniche taillée dans le roc même, au-dessus du torrent qui roule.

L’aspect de cette gorge aride, sauvage et superbe change à tout instant. Les deux murailles qui l’enferment s’élèvent parfois à près de deux mille mètres ; et le soleil ne peut pénétrer au