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le zar’ez

C’est une inoubliable apparition. On vient de traverser d’interminables plaines, de franchir des montagnes aiguës, pelées, calcinées, sans rencontrer un arbre, une plante, une feuille verte, et voici, devant vous, à vos pieds, une masse opaque de verdure sombre, quelque chose comme un lac de feuillage presque noir étendu sur le sable. Puis, derrière cette grande tache, le désert recommence, s’allongeant à l’infini, jusqu’à l’insaisissable horizon, où il se mêle au ciel.

La ville descend en pente jusqu’aux jardins.

Quelles villes, ces cités du Sahara ! Une agglomération, un amoncellement de cubes de boue séchée au soleil. Toutes ces huttes carrées de fange durcie sont collées les unes contre les autres, de façon à laisser seulement entre leurs lignes capricieuses des espèces de galeries étroites, les rues, semblables à ces couloirs que trace un passage régulier de bêtes.

La cité entière, d’ailleurs, cette pauvre cité de terre délayée, fait songer à des constructions d’animaux quelconques, à des habitations de castors, à des travaux informes construits sans outils, avec les moyens que la nature a laissés aux créatures d’ordre inférieur.

De place en place un palmier magnifique s’épa-