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le zar’ez

sur la selle, et chantant, en sa langue, une chanson traînante, avec ces rythmes étranges de là-bas. Nous imitions son allure. Puis soudain il partait au trot, à peine secoué, son grand bournous voltigeant, le corps d’aplomb, debout sur les étriers. Et nous partions derrière lui, jusqu’au moment où il s’arrêtait pour reprendre un train plus doux.

Je demandai à mon voisin :

— Comment peut-il nous conduire à travers ces espaces nus, sans points de repère ?

Il me répondit :

— Quand il n’y aurait que les os des chameaux.

En effet, de quart d’heure en quart d’heure, nous rencontrions quelque ossement énorme rongé par les bêtes, cuit par le soleil, tout blanc, tachant le sable. C’était parfois un morceau de jambe, parfois un morceau de mâchoire, parfois un bout de colonne vertébrale.

— D’où viennent tous ces débris ? demandai-je.

Mon voisin répliqua :

— Les convois laissent en route chaque animal qui ne peut plus suivre ; et les chacals n’emportent pas tout.

Et pendant plusieurs journées nous avons continué ce voyage monotone, derrière le même