Page:Maupassant - Au soleil - Ollendorff, 1902.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
le zar’ez

là-bas que les araignées chez nous. Lorsqu’on en apercevait un auprès de notre campement, on l’entourait d’un cercle d’herbes sèches auquel on mettait le feu. La bête affolée, se sentant perdue relevait sa queue, la ramenait en cercle au-dessus de sa tête et se tuait en se piquant elle-même. On m’a du moins affirmé qu’elle se tuait, car je l’ai toujours vue mourir dans la flamme.

Voici en quelle occasion je vis cette vipère pour la première fois.

Un après-midi, comme nous traversions une immense plaine d’alfa, mon cheval donna plusieurs fois de vives marques d’inquiétude. Il baissait la tête, reniflait, s’arrêtait, semblait suspecter chaque touffe. Je suis, je l’avoue, fort mauvais cavalier, et ces brusques arrêts, outre qu’ils m’emplissaient de méfiance sur mon équilibre, me jetaient brusquement dans l’estomac l’énorme piton de ma selle arabe. Le lieutenant, mon compagnon, riait de tout son cœur. Soudain ma bête fit un bond et se mit à regarder par terre quelque chose que je ne voyais point, en refusant obstinément d’avancer. Prévoyant une catastrophe, je préférai descendre, et je cherchai la cause de cet effroi. J’avais devant moi une maigre touffe d’alfa. Je la frappai, à tout hasard,