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le zar’ez

couvrait le pays. Cette exquise senteur me donna l’impression fraiche d’un bain ; on la respirait longuement et la poitrine semblait s’élargir pour boire ce souffle délicieux.

On aperçut enfin un rang de peupliers, un vrai bois de roseaux, d’autres arbres, puis nos tentes, plantées sur la limite des sables dont les ondulations inégales, hautes jusqu’à huit ou dix mètres, se dressaient comme des flots remués.

La chaleur devenait féroce, doublée sans doute par les réverbérations de la Sebkra. Les tentes, de vraies étuves, étaient inhabitables ; et, aussitôt descendus de cheval, nous partîmes, pour chercher de l’ombre sous les arbres. Il fallut traverser d’abord une forêt de roseaux. Je marchais en avant et soudain je me mis à danser en poussant des cris de joie. Je venais d’apercevoir des vignes, des abricotiers, des figuiers, des grenadiers couverts de fruits, toute une suite de jardins autrefois prospères, aujourd’hui envahis par les sables, et qui appartenaient à l’agha de Djelfa. Pas de mouton rôti pour déjeuner ! Quel bonheur ! Pas de kous-kous ! Quel délire ! Du raisin ! des figues ! des abricots ! Tout cela n’était pas très mûr. N’importe, ce fut une orgie, dont nous ressentîmes, je crois, quelque malaise. L’eau, par