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le zar’ez

yeux une nappe d’eau. Une seule chose pouvait à la rigueur indiquer à un œil expérimenté que ce n’était point une étendue liquide : l’horizon. Ordinairement, la ligne qui sépare l’eau du ciel reste sensible, l’une étant toujours plus ou moins foncée que l’autre. Quelquefois, il est vrai, tout semble se mêler ; la mer alors prend une teinte, un vague de nuée bleue fondue qui se perd dans l’azur pâlissant du vide infini. Mais il suffit de regarder attentivement pendant quelques instants pour toujours distinguer la séparation, si faible, si enveloppée qu’elle soit. Ici, on ne voyait rien. L’horizon était voilé entièrement dans une brume blanche, une sorte de vapeur de lait d’une douceur intraduisible ; et tantôt on cherchait dans l’espace la limite terrestre, tantôt on croyait la voir beaucoup trop bas, au milieu de la plaine salée sur laquelle flottaient ces buées crémeuses et singulières.

Tant que nous avions dominé le Zar’ez, nous avions gardé la perception nette des distances et des formes ; dès que nous fûmes dessus, toute certitude de la vue disparut ; nous nous trouvions enveloppés dans les fantasmagories du mirage.

Tantôt on croyait distinguer l’horizon à une distance prodigieuse ; et on apercevait soudain au