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le zar’ez

il faut connaître l’Arabe avec son introublable gravité, pour comprendre le comique infini de ce débauché à tête de vautour, de cet élégant du désert promenant des cocottes aux pieds nus, dans une carriole de bois brut, à roues inégales, conduite à fond de train par son… mignon. Cette élégance du tropique, cette débauche saharienne, ce chic enfin en pleine Afrique me parurent d’une inoubliable drôlerie.

Notre troupe était nombreuse ce matin-là. Outre le caïd et son fils, nous étions accompagnés de deux cavaliers indigènes et d’un vieux homme maigre, à barbe en pointe, à nez crochu, avec une physionomie de rat, des manières obséquieuses, une échine courbe et des yeux faux. C’était encore, celui-là, un autre ancien caïd de la tribu cassé pour concussion. Il devait nous servir de guide le lendemain, la route que nous allions suivre étant peu fréquentée des Arabes eux-mêmes.

Cependant nous arrivions peu à peu au sommet du défilé. Un pic droit barrait la vue ; mais, aussitôt que nous l’eûmes contourné, je fus frappé par la plus violente surprise, assurément, que me réservait ce voyage.

Une vaste plaine s’étendait devant nous, puis