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le zar’ez

nous et se mit, de ses petits doigts fins et maigres, à dépecer le mouton rôti. Et je crus comprendre que ses grands frères, les deux caïds, qui devaient avoir environ quarante ans, le plaisantaient sur son voyage au ksar, lui demandant d’où lui venait cette cravate de soie qu’il portait au cou, si c’était un cadeau de femme ?

Ce jour-là, l’ombre des arbres nous permit de faire la sieste. Je me réveillai comme le soir tombait, et je gravis un monticule voisin pour avoir l’œil sur tout l’horizon.

Le soleil, près de disparaître, se teintait de rouge, au milieu d’un ciel orange. Et partout, du nord au midi, de l’est à l’ouest, les files de montagnes dressées sous mes yeux jusqu’aux extrêmes limites du regard étaient roses, d’un rose extravagant comme les plumes des flamants. On eût dit une féerique apothéose d’opéra d’une surprenante et invraisemblable couleur, quelque chose de factice, de forcé et contre nature, et de singulièrement admirable cependant.

Le lendemain, nous redescendions dans la plaine de l’autre côté de la montagne, une plaine infinie que nous mîmes trois jours à traverser, bien qu’on vît distinctement la chaîne du Djebel-Gada qui la fermait en face de nous.