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province d’alger

arabe se présente, fort beau, intelligent, d’allure fine. Le lieutenant le prit à l’essai. C’était une trouvaille, un garçon actif, propre, silencieux, plein d’attention et d’adresse. Tout alla bien pendant huit jours. Le neuvième jour au matin, comme le lieutenant rentrait de sa promenade quotidienne, il aperçut devant sa porte un vieux spahi en train de cirer ses bottes. Il passa dans le vestibule ; un autre spahi balayait. Dans la chambre, un troisième faisait le lit. Un quatrième, au loin, chantait dans l’écurie, tandis que le véritable ordonnance, le jeune Mohammed, fumait des cigarettes, couché sur un tapis.

Stupéfait, le lieutenant appela un de ces remplacants inattendus, et, lui montrant ses camarades :

— Qu’est-ce que vous f…ichez ici, vous autres ?

L’Arabe immédiatement s’expliqua :

— Mon lieutenant, c’est le lieutenant indigène qui nous a envoyés. (Chaque lieutenant français, en effet, est doublé d’un officier indigène qui lui est subordonné.)

— Ah ! c’est le lieutenant indigène. Et pourquoi ça ?

Le soldat reprit :

— Mon lieutenant, il nous a dit : « Allez-vous-en chez le lieutenant et faites-moi tout l’ouvrage de