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province d’alger

grondement saccadé de tambours de basque que domine la clameur aigre, continue, abrutissante, assourdissante et féroce d’une flûte qu’emplit de son souffle infatigable un grand diable à la peau d’ébène, le maître de l’établissement.

Devant la porte, un monceau de burnous, un paquet d’Arabes qui regardent sans entrer et qui forment une grande lueur mouvante sous la clarté venue de l’intérieur.

Au dedans, des files d’êtres immobiles et blancs assis sur des planches, le long des murs blancs, sous un toit très bas. Et par terre, accroupies, avec leurs oripeaux flamboyants, leurs éclatants bijoux, leurs faces tatouées, leurs hautes coiffures à diadèmes qui rappellent les bas-reliefs égyptiens, les Oulad-Naïl attendent.

Nous entrons. Personne ne bouge. Alors, pour nous asseoir, et selon l’usage, on saisit les Arabes, on les bouscule, on les rejette de leurs bancs ; et ils s’en vont, impassibles. D’autres se tassent pour leur faire place.

Sur une estrade, au fond, les quatre tambourineurs, avec des poses extatiques, battent frénétiquement la peau tendue des instruments ; et le maître, le grand nègre, se promène d’un pas majestueux, en soufflant furieusement dans sa