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couvert d'arbres. C'est l'Auberge du Ruisseau-des-Singes.

Devant la porte, l'eau chante dans les réservoirs; elle s'élance, retombe, emplit ce coin de fraîcheur, fait songer aux calmes vallons suisses. On se repose, on s'assoupit à l'ombre; mais soudain, sur votre tète, une branche remue; on se lève - alors dans toute l'épaisseur du feuillage c'est une fuite précipitée de singes, des bondissements, des dégringolades, des sauts et des cris.

Il y en a d'énormes et de tout petits, des centaines, des milliers peut-être. Le bois en est rempli, peuplé, fourmillant. Quelques-uns, captivés par les maîtres de l'auberge, sont caressants et tranquilles. Un tout jeune, pris l'autre semaine, reste un peu sauvage encore. Sitôt que l'on demeure immobile, ils approchent, vous guettent, vous observent. On dirait que le voyageur est la grande distraction des habitants de ce vallon. Dans certains jours, pourtant, on n'en aperçoit pas un seul. Après l'Auberge du Ruisseau-des-Singes, une allée s'étrangle encore; et soudain, à gauche, deux grandes cascades s'élancent presque du sommet du mont; deux cascades claires, deux rubans d'argent. Si vous saviez comme c'est