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immobiles piqués comme des pieux sur le sable. Mon compagnon parut étonné, car jamais on ne vient dans cette crique désolée. Mais, en approchant nous aperçûmes quelque chose de long, étendu près d'eux, comme enfoui dans la grève ; et parfois ils se penchaient, touchaient cela, se relevaient. C'était un mort, un noyé, un matelot de Douarnenez perdu la semaine précédente avec ses quatre camarades. Depuis huit jours on les attendait en ce lieu où le courant rejette les cadavres. Il était le premier venu à ce dernier rendez-vous.

Mais autre chose préoccupait mon guide, car les noyés en ce pays ne sont pas rares. Il m'emmena vers le triste étang, et, me faisant pencher sur l'eau, il me montra les murs de la ville d'Ys. C'étaient quelques maçonneries antiques, à peine visibles. Puis j'allai boire à la source, un tout mince filet d'eau, la meilleure de toute la contrée, disait-il. Puis il me conta l'histoire de la cité disparue comme si l'événement était proche encore, accompli tout au plus sous les yeux de son grand-père.

Un roi, faible et bon, avait une fille perverse et belle, si belle que tous les hommes