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grande ligne des flots gris, qui semblent dominer toute cette campagne nue et basse. Crevant partout la vague, des rochers, des troupeaux d'écueils pointus montrent leurs têtes noires cerclées d'écume comme si elles bavaient ; et là-bas, contre l'eau, quelques maisons frileuses cherchent à se cacher derrière de petits tas de pierres pour éviter l'éternel ouragan du large et la pluie salée de l'Océan. Un grand phare, qui tremble sur sa base de rochers, s'avance jusqu'à la vague, et les gardiens racontent que parfois, dans les nuits de tourmente, la longue colonne de granit tangue comme un navire, et que l'horloge s'abat face contre terre, et que les objets accrochés aux murs se détachent, tombent et se brisent.

Depuis ce lieu jusqu'au Conquet, c'est le pays des naufrages. C'est là que semble embusquée la mort, la hideuse mort de la mer, la Noyade. Aucune côte n'est plus dangereuse, plus redoutée, plus mangeuse d'hommes.

Au fond des petites maisons basses des pêcheurs, on voit grouiller dans la fange, avec les porcs, une femme vieille, de grandes filles aux jambes nues et sales, et les fils,