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Je me dressai d’un bond, effaré ; mais le sable, la tente, tout était perdu dans l’ombre, je ne distinguais que les grandes taches blanches des Arabes endormis autour de nous. Avais-je été mordu par une léfaa qui se promenait près de mon visage ? Etait-ce un scorpion ? D’où venait ce contact froid sur ma face ? Très anxieux j’allumai notre lanterne ; je baissai les yeux, le pied levé, prêt à frapper, et je vis un monstrueux crapaud, un de ces fantastiques crapauds blancs qu’on rencontre dans le désert, qui, le ventre gonflé, les pattes carrées, me regardait. La vilaine bête m’avait trouvé sans doute sur sa route habituelle et était venue se heurter à ma figure.

Comme vengeance, je le contraignis à fumer une cigarette. Il en est mort d’ailleurs. Voici comment on procède. On ouvre de force sa bouche étroite ; on y introduit un bout de fin papier plein de tabac roulé, et on allume l’autre bout. L’animal suffoqué souffle de toute sa vigueur pour se débarrasser de cet instrument de supplice, puis, bon gré mal gré, il est ensuite contraint d’aspirer. Alors il souffle de nouveau, enflé, expirant et comique ; et jusqu’au bout il faut