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dessus, toute certitude de la vue disparut ; nous nous trouvions enveloppés dans les fantasmagories du mirage.

Tantôt on croyait distinguer l’horizon à une distance prodigieuse ; et on apercevait soudain au milieu du lac figé, qui tout à l’heure semblait uni, vide et plat comme un miroir, d’énormes rochers bizarres, des roseaux démesurés, des îles aux berges escarpées. Puis, à mesure qu’on avançait, ces visions étranges disparaissaient brusquement comme englouties par un truc de théâtre ; et, à la place des blocs de rochers, on découvrait quelques toutes petites pierres. Les roseaux, en approchant, n’étaient plus que des herbes sèches, hautes comme le doigt, démesurément grandies par ce curieux effet d’optique ; les berges devenaient de légers renflements de la croûte saline, et cet horizon qu’on supposait à trente kilomètres était fermé à cent mètres de nous par ce voile de buée tremblante que le furieux soleil du désert faisait sortir de la couche brûlante du sel.

Cela dura une heure environ, puis on toucha l’autre rive.

Ce fut d’abord une petite plaine ravinée,