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"Quand on pense des choses pareilles, on ne les dit pas en société."

M. Patissot reprit :

"Il y a pourtant, Monsieur, des principes que tous les honnêtes gens reconnaissent."

M. Rade demanda :

"Lesquels ?"

Alors, solennellement, M. Patissot prononça "La morale, Monsieur."

M. Rade rayonnait, il s'écria :

"Un seul exemple, Messieurs, un tout petit exemple. Quelle opinion avez-vous des messieurs à casquette de soie qui font sur les boulevards extérieurs le joli métier que vous savez, et qui en vivent ?"

Une moue de dégoût parcourut la table :

"Eh bien ! Messieurs, il y a un siècle seulement, quand un élégant gentilhomme, très chatouilleux sur le point d'honneur, avait pour... amie... une "très belle et honneste dame de haute lignée", il était fort bien porté de vivre à ses dépens, Messieurs, et même de la ruiner tout à fait. On trouvait ce jeu-là charmant. Donc les principes de morale ne sont pas fixes... et alors..."

M. Perdrix, visiblement embarrassé, l'arrêta :

"Vous sapez les bases de la société, monsieur Rade, il faut toujours avoir des principes. Ainsi, en politique, voici M. de Sombreterre qui est légitimiste, M. Vallin orléaniste, M. Patissot et moi républicains, nous avons des principes très différents, n'est-ce pas, et cependant nous nous entendons fort bien parce que nous en avons."

Mais M. Rade s'écria :

"Moi aussi, j'en ai, Messieurs, j'en ai de très arrêtés."

M. Patissot releva la tête, et, froidement :