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Et il partit. Patissot, mécontent de son ami, suivit le gros monsieur.

Ils déjeunèrent en tête-à-tête, échangèrent leurs manières de voir, se communiquèrent leurs impressions et reconnurent qu'ils étaient faits pour s'entendre.


Après le repas, on se remit à pêcher, mais les deux nouveaux amis partirent ensemble le long de la berge, s'arrêtèrent contre le pont du chemin de fer et jetèrent leurs lignes à l'eau, tout en causant. Ça continuait à ne pas mordre ; Patissot maintenant en prenait son parti.

Une famille s'approcha. Le père, avec des favoris de magistrat, tenait une ligne démesurée ; trois enfants du sexe mâle, de tailles différentes, portaient des bambous de longueurs diverses, selon leur âge, et la mère, très forte, manœuvrait avec grâce une charmante canne à pêche ornée d'une faveur à la poignée. Le père salua : "L'endroit est-il bon, Messieurs ?" Patissot allait parler, quand son voisin répondit : "Excellent !" - Toute la famille sourit et s'installa autour des deux pêcheurs. Alors Patissot fut saisi d'une envie folle de prendre un poisson, un seul, n'importe lequel, gros comme une mouche, pour inspirer de la considération à tout le monde ; et il se mit à manœuvrer sa ligne comme il avait vu Boivin le faire dans la matinée. Il laissait le flotteur suivre le courant jusqu'au bout du fil, donnait une secousse, tirait les hameçons de la rivière ; puis, leur faisant décrire en l'air un large cercle, il les rejetait à l'eau quelques mètres plus haut. Il avait même, pensait-il, attrapé le chic pour