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une porte pourrie, fermée avec une ficelle enroulée à deux clous. Il ouvrit et se trouva face à face avec un être innommable qui devait cependant être une femme. La poitrine semblait enveloppée de torchons sales, des jupons en loques pendaient autour des hanches, et, dans ses cheveux embroussaillés, des plumes de pigeon voltigeaient. Elle regardait le visiteur d'un air furieux avec ses petits yeux gris ; puis, après un moment de silence, elle demanda :

"Qu'est-ce que vous désirez ?

- M. Boivin.

- C'est ici. Qu'est-ce que vous lui voulez, à M. Boivin ?

Patissot, troublé, hésitait.

- Mais il m'attend.

Elle eut l'air encore plus féroce et reprit :

- Ah ! c'est vous qui venez pour le déjeuner ?

Il balbutia un "oui" tremblant. Alors, se tournant vers la maison, elle cria d'une voix rageuse :

- Boivin, voilà ton homme !"

Le petit père Boivin aussitôt parut sur le seuil d'une sorte de baraque en plâtre, couverte en zinc, avec un rez-de-chaussée seulement, et qui ressemblait à une chaufferette. Il avait un pantalon de coutil blanc maculé de taches de café et un panama crasseux. Après avoir serré les mains de Patissot, il l'emmena dans ce qu'il appelait son jardin : c'était, au bout d'un nouveau couloir fangeux, un petit carré de terre grand comme un mouchoir et entouré de maisons, si hautes, que le soleil y donnait seulement pendant deux ou trois heures par jour. Des pensées, des oeillets, des ravenelles, quelques rosiers, agonisaient au fond de ce puits sans air et chauffé comme un four par la réverbération des toits.

- Je n'ai pas d'arbres, disait Boivin, mais les