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hurlait sans cesse : "tiiit", de plus en plus fort. Le gros employé, à la fin lui demanda : "Pourquoi criez-vous comme ça ?" L'autre, avec des larmes dans les yeux, lui répondit : "C'est mon pauvre chien que j'ai perdu. - Comment ! vous avez perdu votre chien ? - Oui, nous l'avions élevé à Paris ; il n'était jamais venu à la campagne, et, quand il a vu des feuilles, il fut tellement content, qu'il s'est mis à courir comme un fou. Il est entré dans le bois, et j'ai eu beau l'appeler, il n'est pas revenu. Il va mourir de faim la dedans... tiiit." La femme haussait les épaules. "Quand on est aussi bête que toi, on n'a pas de chien !" Mais il s'arrêta, se tâtant le corps fiévreusement. Elle le regardait : "Eh bien, quoi ! - Je n'ai pas fait attention que j'avais ma redingote sur mon bras. J'ai perdu mon portefeuille... Mon argent était dedans." - Cette fois, elle suffoqua de colère : "Eh bien, va le chercher !" Il répondit doucement : "Oui, mon amie, où vous retrouverai-je ?" Patissot répondit hardiment : "Mais à Versailles !" - Et, ayant entendu parler de l'hôtel des Réservoirs, il l'indiqua. Le mari se retourna et, courbé vers la terre que son oeil anxieux parcourait, criant : "tiiit"à tout moment, il s'éloigna. - Il fut longtemps à disparaître, l'ombre plus épaisse l'enveloppa, et sa voix encore, de très loin, envoyait son "tiiit" lamentable, plus aigu à mesure que la nuit se faisait plus noire et que son espoir s'éteignait.