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Le mari s'approchait. Il avait un aspect éperdu, désespéré. La femme, jeune, jolie, une brunette énergique, s'emporta, dès qu'il fut près d'elle : "Viens voir ce que tu as fait : nous sommes à Versailles, maintenant. Tiens, regarde la carte d'état-major que Monsieur aura la bonté de te montrer. Sauras-tu lire, seulement ? Mon Dieu, mon Dieu ! comme il y a des gens stupides ! Je t'avais dit pourtant de prendre à droite, mais tu n'a pas voulu ; tu crois toujours tout savoir." Le pauvre garçon semblait désolé. Il répondit : "Mais, ma bonne amie, c'est toi..." Elle ne le laissa pas achever, et lui reprocha toute sa vie, depuis leur mariage, jusqu'à l'heure présente. Lui, tournait des yeux lamentables vers les taillis, dont il semblait vouloir pénétrer la profondeur et, de temps en temps, comme pris de folie, il poussait un cri perçant, quelque chose comme "tiiit" qui ne semblait nullement étonner sa femme, mais qui emplissait Patissot de stupéfaction.

La jeune dame, tout à coup, se tournant vers l'employé avec un sourire : "Si Monsieur veut bien le permettre, nous ferons route avec lui pour ne pas nous égarer de nouveau et nous exposer à coucher dans le bois." Ne pouvant refuser, il s'inclina, le cœur torturé d'inquiétudes, et ne sachant où il allait les conduire.

Ils marchèrent longtemps ; l'homme toujours criait : "tiiit" ; le soir tomba. Le voile de brume qui couvre la campagne au crépuscule se déployait lentement, et une poésie flottait, faite de cette sensation de fraîcheur particulière et charmante qui emplit le bois à l'approche de la nuit. La petite femme avait pris le bras de Patissot et elle continuait, de sa bouche rose, à cracher des reproches pour son mari, qui sans lui répondre,