Page:Maupassant - Œuvres posthumes, II, OC, Conard, 1910.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le prêtre directeur, chargé de conduire à Dieu les âmes de ces demoiselles, était un homme habile, insinuant, persuasif et dominateur. Quand il découvrit les croyances indécises et nonchalantes de Germaine, il s’attacha à la convertir avec une ténacité de missionnaire. Il réussit seulement à en faire une demi-fervente, qui crut bientôt de tout son cœur et de toute son imagination à la si touchante légende chrétienne.

Elle eut des accès de tendresse sentimentale et de doux élans de piété vers le Sauveur et sa mère, la Vierge, mais elle ne fut jamais dominée par les pratiques du culte, qu’elle estimait faites pour le peuple. Elle s’y prêta cependant de bonne volonté, suivit la messe du dimanche, et remplit ses devoirs obligatoires autant par conscience que par tenue.

Donc, à la Vierge Marie, mère du Christ, elle demandait un enfant, une fille ; elle ne fut point exaucée, et la guerre de 1870 déclarée brusquement eut plus d’influence pour satisfaire ce vœu que ses implorations au ciel.

Quoique dégagé des obligations du service militaire, M. de Brémontal, patriote ardent, à la première nouvelle de la France en danger, voulut s’engager et partir. Germaine qui l’aimait bien, sans grande passion, mais en compagne fidèle et dévouée, bien plus mère que femme, eut une peur affreuse de le perdre, car elle ne désirait rien autre chose que de finir sa vie près de lui, dans ce château qui lui plaisait, dans ce pays qu’elle adorait, avec des enfants autour d’elle.

La pensée des dangers qu’il allait courir, la possibilité de sa mort, l’inquiétude dont elle souffrirait pendant cette absence périlleuse, lui firent décider de tout tenter, de tout faire, de tout inventer pour anéantir sa résolution.