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ŒUVRES POSTHUMES.

Un homme se présenta pour entrer, grand, mince, assez jeune. Il avait cette allure aisée des garçons qui ont passé leur adolescence dans les habitudes élégantes de la vie riche et parisienne. Le haut de la tête était un peu chauve, mais les cheveux blonds qui restaient autour frisaient gentiment sur les tempes, et une jolie moustache, aux bouts tortillés par le petit fer, s’arrondissait bien sur sa lèvre. Son œil bleu clair paraissait bienveillant et gouailleur, et il portait dans toute sa personne un air de hardiesse, d’affabilité et de dédain gracieux montrant que ce n’était point là un tout récent parvenu ou un de ces rôdeurs de casinos qui courent le monde, en quête de rapines.

Comme il allait franchir la grande baie que drapait une portière suspendue, l’huissier, très poli, s’approcha en demandant :

― Monsieur veut-il me rappeler son nom ?

Il répondit sans s’arrêter :

― Robert Mariolle. J’ai été inscrit tantôt.

― Parfaitement, monsieur, je vous remercie.

Alors il pénétra dans la seconde salle, cherchant quelqu’un du regard.

Une voix l’appela, et un homme de petite taille, légèrement obèse, touchant à la quarantaine, parfaitement correct, vêtu de l’étrange veste de premier communiant dite smoking, mise à la mode par un prince fêteur, s’approcha, les mains tendues.

Mariolle les prit et les serra, un sourire sur les lèvres, disant :

― Bonjour, mon cher Lucette.

Le comte de Lucette, un aimable, riche et insouciant célibataire, passait ses jours et ses années à aller où tout le monde va, à faire ce que tout le monde fait et à dire ce que tout le monde dit, avec un certain