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LE GATEAU

 DISONS qu’elle s’appelait Mme Anserre, pour qu’on ne découvre point son vrai nom. 
 C’était une de ces comètes parisiennes qui laissent comme une traînée de feu derrière elles. Elle faisait des vers et des nouvelles, avait le cœur poétique et était belle à ravir. Elle recevait peu, rien que des gens hors ligne, de ceux qu’on appelle communément les princes de quelque chose. Etre reçu chez elle constituait un titre, un vrai titre d’intelligence ; du moins on appréciait ainsi ses invitations.
 Son mari jouait le rôle de satellite obscur. Etre l’époux d’un astre n’est point chose aisée. Celui-là cependant avait eu une idée forte, celle de créer un Etat dans l'Etat, de posséder son mérite à lui, mérite de second ordre, il est vrai ; mais enfin, de cette façon, les jours où sa femme recevait, il recevait aussi ; il avait son public spécial qui l’appréciait, l’écoutait, lui prêtait plus d’attention qu’à son éclatante compagne. 
 Il s’était adonné à l’agriculture ; à l’agriculture en chambre. Il y a comme cela des généraux en chambre, — tous ceux qui naissent, vivent et meurent sur les ronds de cuir du ministère de la guerre, ne le sont-ils