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LE VENGEUR[1].




Quand M. Antoine Leuillet épousa Mme  veuve Mathilde Souris, il était amoureux d’elle depuis bientôt dix ans.

M. Souris avait été son ami, son vieux camarade de collège. Leuillet l’aimait beaucoup, mais le trouvait un peu godiche. Il disait souvent : « Ce pauvre Souris n’a pas inventé la poudre. »

Quand Souris épousa Mlle  Mathilde Duval, Leuillet fut surpris et un peu vexé, car il avait pour elle un léger béguin. C’était la fille d’une voisine, ancienne mercière retirée avec une toute petite fortune. Elle était jolie, fine, intelligente. Elle prit Souris pour son argent.

Alors Leuillet eut d’autres espoirs. Il fit la cour à la femme de son ami. Il était bien de sa personne, pas bête, riche aussi. Il se croyait sûr du succès ; il échoua. Alors il devint amoureux tout à fait, un amoureux que son intimité avec le mari rendait discret, timide, embarrassé. Mme  Souris crut qu’il ne pensait plus à elle avec des idées entreprenantes et devint franchement son amie. Cela dura neuf ans.

  1. Voir Bel-Ami, 2e partie, fin du chapitre II.