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ŒUVRES POSTHUMES.

pas qu’elle m’ennuie, mais elle manque par trop d’usage ; cela m’aurait gêné pour mes invités.

Il réfléchit quelques secondes, puis ajouta :

— C’est une bonne fille, mais pas commode. Si elle savait que je reçois du monde, elle m’arracherait les yeux.

M. Saval n’avait point fait un mouvement ; il ne comprenait pas.

L’artiste s’approcha de lui.

— Puisque je vous ai invité, vous allez m’aider à quelque chose.

Le notaire déclara :

— Usez de moi comme vous voudrez. Je suis à votre disposition.

Romantin ôta sa jaquette.

— Eh bien, citoyen, à l’ouvrage. Nous allons d’abord nettoyer.

Il alla derrière le chevalet, qui portait une toile représentant un chat, et prit un balai très usé.

— Tenez, balayez pendant que je vais me préoccuper de l’éclairage.

M. Saval prit le balai, le considéra et se mit à frotter maladroitement le parquet en soulevant un ouragan de poussière.

Romantin indigné l’arrêta :

— Vous ne savez donc pas balayer, sacrebleu ! Tenez, regardez-moi.

Et il commença à rouler devant lui des tas d’ordure grise, comme s’il n’eût fait que cela toute sa vie ; puis il rendit le balai au notaire, qui l’imita.

En cinq minutes, une telle fumée de poussière emplissait l’atelier que Romantin demanda :

— Où êtes-vous ? Je ne vous vois plus.

M. Saval, qui toussait, se rapprocha. Le peintre lui dit :