Page:Maupassant - Œuvres posthumes, I, OC, Conard, 1910.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
LE COLPORTEUR.

ses bibelots lui servait surtout à placer, en bavardant, ce qu’il ne pouvait emporter facilement.

Il ajouta :

— J’ai une boutique à Asnières. C’est ma femme qui la tient.

— Ah ! vous êtes marié ?

— Oui, m’sieu, depuis quinze mois. J’en ai trouvé une gentille de femme. Elle va être surprise de me voir revenir cette nuit.

Il me conta son mariage. Il voulait cette fillette depuis deux ans, mais elle avait mis du temps à se décider.

Elle tenait depuis son enfance une petite boutique au coin d’une rue, où elle vendait de tout : des rubans, des fleurs en été et principalement des boucles de bottines très jolies, et plusieurs autres bibelots dont elle avait la spécialité, par faveur d’un fabricant. On la connaissait bien dans Asnières, la Bleuette. On l’appelait ainsi parce qu’elle portait souvent des robes bleues. Et elle gagnait de l’argent, étant fort adroite à tout ce qu’elle faisait. Elle lui semblait malade en ce moment. Il la croyait grosse, mais il n’en était pas sûr. Leur commerce allait bien ; et il voyageait surtout, lui, pour montrer des échantillons à tous les petits commerçants des localités voisines ; il devenait une espèce de commissionnaire voyageur pour certains industriels, et il travaillait en même temps pour eux et pour lui-même.

— Et vous, qu’est-ce que vous êtes ? dit-il.

Je fis des embarras. Je racontai que je possédais à Argenteuil un bateau à voiles et deux yoles de course. Je venais m’exercer tous les soirs à l’aviron, et aimant l’exercice, je revenais quelquefois à Paris, où j’avais une profession que je laissai deviner lucrative.