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quelques grands mots, honneur, vertu, probité, etc., nous imaginons-nous sincèrement que nous sommes si différent de nous. Pourquoi mentir ainsi ? Nous ne trompons personne ! Sous tous ces masques rencontrés, tous les visages sont connus ! Nous nous faisons, en nous croisant, de fins sourires qui veulent dire : « Je sais tout » ; nous nous chuchotons à l’oreille les scandales, les histoires corsées, les dessous sincères de la vie ; mais, si quelque audacieux se met à parler fort, à raconter tranquillement, d’une voix haute et indifférente, tous les secrets de Polichinelle mondains, une clameur s’élève, et des indignations feintes, et des pudeurs de Messaline, et des susceptibilités de Robert Macaire.

Personne peut-être, dans les lettres, n’a excité plus de haines qu’Émile Zola. Il a cette gloire de plus de posséder des ennemis féroces, irréconciliables, qui, à toute occasion, tombent sur lui comme des forcenés, emploient toutes les armes, tandis que lui les reçoit avec des délicatesses de sanglier. Ses coups de boutoir sont légendaires. Si quelquefois, malgré son indifférence, les horions qu’il a reçus l’ont un peu meurtri, que n’a-t-il pas pour se consoler ? Aucun écrivain n’est plus connu, plus répandu aux quatre coins du monde, plus incontesté même par ses adversaires, aucun ne jouit d’une plus large renommée.