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phile Gautier, ni subtilement brisé, trouveur, compliqué, délicatement séduisant comme celui de Goncourt. Il est surabondant et impétueux comme un fleuve débordé qui roule de tout. Fils des romantiques, romantique malgré lui dans ses procédés (il l’avoue avec regret) il a fait d’admirables livres qui gardent quand même des allures de poèmes sans poésie voulue, de poèmes sans conventions poétiques, sans parti pris, où les choses quelles qu’elles soient, surgissent égales dans leur réalité, et se reflètent, élargies, jamais déformées, répugnantes ou séduisantes, laides ou belles indifféremment, dans ce miroir de vérité, grossissant, mais toujours fidèle et probe, que l’écrivain porte en lui.

Le Ventre de Paris n’est-il pas le poème des nourritures ? L’Assommoir n’est-il pas le poème de la soûlerie ? Nana n’est-il pas le poème du vice ?

Qu’est donc ceci, sinon de la haute poésie, sinon l’agrandissement magnifique de la gueuse. — « Elle demeurait debout, au milieu des richesses entassées de son hôtel, avec un peuple d’hommes abattus à ses pieds. Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d’ossements, elle posait ses pieds sur des crânes ; et des catastrophes l’entouraient, la flambée furieuse de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont perdu dans les mers de Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en