— Quelques grammes moi, quelques grammes le Martiniquais, parce que tous les deux nous allons délester notre charge sur le dos du troisième.
— Allons-y pour les neuf grammes… et la petite boîte où je casais mes grains d’or en prend un coup presque fatal. Soupir… on décharge, charge, on arrange. Quatorze heures : nous démarrons enfin, chacun vingt kilogs sur les épaules, le fusil en bandoulière et aussitôt nous filons bon train.
Bon ! voilà un katouri à terre, la courroie vient de lâcher… Palabres… on répare.
Nouveau départ ; c’est le bon. Nous marchons sans arrêt jusqu’au coucher du soleil. La chaleur est intense, la piste indiscernable à celui qui ignore l’art de suivre à la trace un gibier quadrupède. Sans cesse des arbres écroulés dans un amoncellement de broussailles, sans cesse des criques qu’il faut traverser en équilibre sur un tronc vermoulu qui cède parfois ou vous projette en glissades. — Des « tape cul » infinitésimaux sur les feuilles mortes qui tapissent douillettement le sol et le transforment en patinoire.
Je suis chaussé de sandales de tennis pour être plus à l’aise. Je paye chèrement ce souci du confort de mes pieds.
La forêt prof onde est obscure, le soleil n’y pénètre que par de rares éclaircies ouvertes par les arbres tombés.
Pas une clairière. À l’infini, des troncs et des lianes, des troncs gigantesques, à ailettes, entre les racines desquels on pourrait construire une cabane à la Robinson et y abriter un patronage ; seuls les abords des criques sont envahis d’une épaisse broussaille qu’il faut hacher au sabre si l’on veut traverser. Ailleurs, le sous-bois est clair.