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On m’offre un grand quart de tafia que je bois comme du petit lait, puis, crevé, au soleil, vautré sur le sable, je lézarde et récupère.

Les canots sont déjà déchargés, à l’exception des fûts d’essence qu’il est impossible de rouler sur l’étroite piste conduisant (après avoir enjambé par un tronc d’arbre une dérivation du rapide) à l’extrémité d’une île calme et boisée dont la pointe est baignée par une Mana assagie quoique encore tumultueuse et traîtresse.

Remis de mes émotions, j’aide à transborder les bagages, les sacs de farine, de riz, les caisses, les cantines, les armes ; finalement, tout est amené à l’autre extrémité de l’île et les Saramacas s’apprêtent à franchir « Saut Fracas » en suivant précisément le chenal qui a conduit l’autre canot à sa perte, le condamnant à demeurer comme épouvantail. Tout se passe bien. Le premier de nos deux canots dépasse le squelette de leur malheureux congénère dressé sur la roche, franchit les bouillonnements redoutables, halé par les robustes Saramacas qui peinent et se plaignent avec de grands cris. Le noir anglais voulant les rejoindre est emporté par le courant et sauve sa vie de justesse. Le premier canot est bien arrivé, le second subit le même sort.

On se félicite, on embarque pour bagarrer quinze minutes encore au takari, sur des roches et du sable et, après quelques instants de navigation au moteur, nous découvrons quelques carbets à l’abandon (leur propriétaire étant décédé subitement) et un Saramaca… le bosman du canot coulé qui, depuis deux semaines attend ses camarades partis chercher du secours dans les placers environnants à quelques jours de marche d’ici.