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Non, j’arriverai, à quoi bon. Leur amour et ma foi feront ce miracle car jamais je ne voudrais leur causer la peine atroce de ma disparition. C’est pour cela que j’ai confiance.

Et cependant, un instant, cette idée m’a effrayé, un peu à cause des nuits glaciales. C’est bientôt l’aube et j’imagine que demain, à la même heure, je dormirai sur un rocher, sans abri.

Mais non ! la hâte de pénétrer cet inconnu efface ces pensées moroses et la joie de vivre que je ressens enfin est la plus belle et la plus pure de ma carrière de reporter.

Oh ! vie primitive, si rude et si belle, attendant le jour, j’ai pêché… deux petits poissons dévorés crus… Goût de crevette, voilà mon appétit en branle. Et si je chassais avant de partir ? Qui sait ?

Vendredi 13 Janvier.

J’ai chassé — sans résultat — durant deux heures. Tant pis ! j’ai seulement trouvé un « inga » ou « pois sacré », un seul hélas, car la forêt ne prodigue ses fruits qu’avec parcimonie. Celui-ci est délicieux. C’est une longue gousse brune emplie de miel brûlé et de petites amandes amères. Les fourmis déjà y avaient installé une garnison ; j’eus tôt fait de la chasser et ma langue avide, décapant le fruit, ne leur laissera plus rien.

Donc, on va partir affamé !… et pourtant, à conserver l’immobilité absolue durant de longues heures on peut voir des tas d’oiseaux mais le moindre geste les effraie et, lorsque j’esquisse celui d’ajuster trop, les voilà prestement disparus. Espérons que la rivière me sera plus favorable !