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che, j’épie… rien à tirer, alors, je suis rentré au camp, songeant que demain j’aurai faim.

Et n’est-ce pas la vie du primitif que ce perpétuel aléa, cette course éperdue à la faim, lui qui, pour manger, ne peut compter que sur son habileté, sa force et sa chance ? Il est vrai que n’étant pas nomade il peut, lorsque la chasse est bonne, constituer une réserve pour les jours de disette, il est vrai encore que son abatis lui assure des fruits et des légumes. Quant à moi, impossible de faire une réserve : je dois tuer pour me repaître sur place et mon appétit est grand, et la viande seule, sans légumes, sans pain ni couac, ne nourrit guère et puis, si la chasse était abondante, comment faire pour transporter quatre ou cinq kilogs en plus de mes bagages.

Quoique en pleine force, cette sacrée faiblesse causée par la dysenterie m’occasionne du souci ; je sens mes jambes molles et une lassitude formidable. Cependant, grâce à Dieu, pour l’instant je ne suis pas malade. Alors ? le climat… il n’est pas terrible ! La fatigue ? peut-être celle de ce long voyage sur l’Ouaqui, peut-être et surtout la nourriture peu substantielle qui ne satisfait jamais tout à fait. Question d’habitude… l’estomac s’y fera ! En attendant, ce soir, c’est à nouveau un cœur de palmier Pinot bouilli. Ah ! l’énervement des soirées de famine : Boby tourne, désespéré, autour du boucan qui fume encore, mais les traverses sont vides, à peine luisantes encore de la graisse du hocco… il était si bien garni hier au soir !

Le vent souffle fort là-haut, mais ici on ne le sent pas. La forêt trop dense, le sous-bois trop encombré servent de paravent. Ce n’est d’ailleurs pas encore le grand bois, plutôt une suite de marécages, de pinotières