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fameuse expédition qui me fait cloîtrer dans ce village de Far West et si les premiers jours passaient vite, maintenant j’en suis réduit à compter les heures.

Malgré sa promesse, Manoel n’a encore rien préparé pour mon voyage chez les chercheurs de diamants. Je contemple le fleuve à longueur de journée, ruminant des mètres et des mètres de cannes à sucre, faisant de longues stations au corral où j’admire la dextérité des gauchos qui dressent de jeunes chevaux. Le temps est morne, étouffant, régulièrement arrosé sur le coup de quatre heures d’orages épouvantables.

Alors, comme aujourd’hui, c’est mon anniversaire et que, comme le susurre si bien la romance, on n’a pas tous les jours vingt ans, je file vers le bar où le patron somnolant derrière son comptoir me sert une bouteille d’aguardiente[1]. Je m’installe sur un banc de bois et me prépare à savourer une douce ivresse, mais le patron, ayant trouvé de la compagnie, n’entend pas la perdre de cette manière, il prend un verre et sans plus de façon s’assied à ma table. Puis, après avoir essuyé du revers de sa manche ses lèvres humides, il recommence à raconter ses histoires que je connais maintenant par cœur.

— Tu as manqué un beau spectacle hier au soir, Français, jubile-t-il en savourant la surprise que me cause cette nouvelle. Imagine-toi, continue-t-il, qu’un homme est arrivé pour acheter un revolver et des munitions, mais comme il n’avait pas assez d’argent pour en acheter un neuf, Benedito lui a proposé le sien — parce qui’il en avait deux pour trois cents cruseiros. Mais l’homme fait la fine bouche

  1. Eau-de-vie.