Page:Maufrais Aventures au Matto Grosso 1951.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riche… mais je tiens à ma peau, je n’y vais pas ou du moins pas encore.

Cette fois Manoel m’intéresse, je flaire une légende comme il y en a tant qui courent dans la brousse, mais comme je pars du fait que toute légende repose sur des faits tangibles et vécus, je m’accroche à l’espoir puéril de faire parler Manoel qui en sait certainement plus long que ce qu’il veut bien me dire. Je lui offre ma montre, lui promets l’impossible pour le séduire ; rien ne le décide à parler.

— Tu verras dans quelques jours au Rio das Garcas. dit-il évasif… tu verras comme c’est dur.

— Mais, dis-moi, Manoel… dis-moi où est cet or… tu l’as vu ? Qui t’en a parlé ? Peux-tu situer sur la carte ?

Manoel se lève, puis regarde autour de lui. L’orchestre continue son tintammare, les danseurs ne se lassent pas.

— Français, dit-il rapidement entre les lèvres… sur les cartes, ma rivière n’y est pas et personne ne la trouvera jamais. Un conseil, tais-toi maintenant… tu parles trop.

Allons bon, me voilà mouché, mais en tout cas bougrement accroché à cette histoire d’or. J’oublie Meirelles, les Indiens pour ne penser qu’aux pépites, sacré Manoel… c’est une tête de cochon, je n’en tirerai rien de plus.

— Buenas Frances… ate manha si Deus quiser…

Manoel disparait. Le patron est occupé avec sa caisse et ses bouteilles, les couples sont moins nombreux, le tam-tam se lasse, l’accordéon se plaint… il doit être trois heures du matin, je n’en sais rien, puisque ma montre est arrêtée.