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soudain, c’est le silence, et la statue aux couleurs vives disparait mistérieusement.

La procession un instant disloquée, puis recueillie, se reforme bientôt pour assiéger une maisonnette ; enfin délivrée, la foule crie sur l’air des lampions…

— Victorino… Victorino… allons danser, musique.

— Vamos dançar… musica… hurle-t-on de toute part avec des visages heureux.

Victorino apparait, l’air avantageux, la moustache cirée, un accordéon en bandoulière, suivi d’un gamin tout fier de sa guitare dont il gratte les cordes à un rythme lent et syncopé.

Follement acclamés, les musiciens prennent la tête du cortège qui dégénère vite en farandole, Victorino déplie son accordéon et joue une marche de carnaval.

— Vamos dançar… reprennent des voix.

Quelques couples se forment, la salle de bal dans laquelle nous venons de pénétrer est étroite, très basse, avec une lumière jaune de lampes à huile.

Les musiciens sont juchés sur une large table de bois noir tout près du comptoir et un troisième larron se joint à eux, armé d’un gros tambour. Le trio improvise dans un vacarme infernal des marches et des sambas ; les couples, pieds nus dans la poussière, luisants de sueur, se démènent. Le patron de l’estaminet, pas mal éméché semble-t-il, vient à moi. Il me traite d’ « excellentissimo ». C’est un homme de forte corpulence, au métissage incertain, très expansif. Il me donne l’accolade à la mode du pays, puis m’invite à boire un verre. J’accepte et lui en offre un autre, il se déclare aussitôt mon ami, puis mon