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monte une prière. Des coups de feu éclatent qui ponctuent, suivant la tradition, le déroulement des cantiques.

Puis la statue de Sao Sebastian sort de l’ombre, porté sur un échafaudage de lianes tressées, par des hommes hirsutes, armés de carabines. Une lente procession se forme, encadrée de porteurs de torches. La case se vide. Une femme éteint les chandelles qui grésillent et dégagent une fumée âcre.

Je suis la procession. Elle marche lentement sur les bords de la falaise qui surplombe la rivière jusqu’à une sorte de calvaire formé par un amoncellement de pierres et surmonté d’une croix de bois noir et pourrissant. Les torches jettent de brèves lueurs sur le Rio qui roule des eaux limoneuses.

— Gloria… gloria… viva Sao Sebastian, hurlent les hommes en déchargeant le barillet de leur colt, zébrant la voûte céleste d’éclairs bleutés.

— Viva… Viva Sao Sebastian, répètent à l’envi les femmes et les enfants.

Une vieille, courbée par le poids d’une grosse cloche trouvée dans les ruines d’une mission religieuse portugaise édifiée il y a deux cents ans, s’efforce de donner un son grave et suivi aux carillons du bronze. Des femmes se mettent à genoux et se signent hâtivement au passage de la procession. Puis elles se mêlent à elle.

Les hommes se découvrent et brûlent la poudre sans regarder à la dépense. Nous marchons longtemps, faisant plusieurs fois le tour de l’agglomération, trébuchant aux inégalités du terrain, psalmodiant d’innombrables litanies. Voix criardes ou chevrotantes, carillon, coups de feu…