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dina, comme dans tous les villages du monde est, pour certains, une distraction comme une autre.

Maintenant, semblables à de grands enfants pris en faute, ils roulent les sombreros entre leurs doigts sales et n’osent plus s’en aller. Ils se regardent. Des sourires niais et figés trouent leurs sales gueules bouffées par la malaria, débraillés, inquiétants dans leurs gestes félins.

Il y a Félipo d’abord, un garçon de vingt ans peut-être, au faciès négroïde avec des cheveux crépus et des yeux étrangement bridés, arrogant comme un hidalgo, le rasoir à la ceinture, toujours sur la défensive, aimant les drames et les provoquant.

Paolo, arrivé du Nord, voilà bientôt dix ans, après avoir assassiné sa sœur et que l’on soupçonne d’avoir volontairement égaré une expédition pour piller les bagages et vendre le matériel à vil prix.

Atahou, un chef indien en bordée, qui a laissé sa tribu sur les bords du Rio Kuluene pour suivre la femme d’un « garimpeiro » prospectant sur son territoire. Il boit des bouteilles d’alcool de canne à sucre, cérémonieusement enroulé dans une vieille couverture qui laisse voir ses muscles noueux aux tatouages défraîchis. On le voit s’absorber à longueur de journée dans la contemplation minutieuse de son bas-ventre rongé par un chancre hideux que toutes les magies de sorcier de villages n’ont jamais réussi à guérir.

Il y a aussi un jeune noir métissé de jaune, à la fière stature, qui porte sur son crâne rasé un énorme pansement dont la gaze est marquée par l’épanouissement d’une large tache de sang frais.