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De la rivière, le concert des crapauds·buffle et des « cigaras »[1] arrive par bouffées.

La tiédeur de la nuit fait monter aux têtes la « cachassa »[2] que distribuent à larges rasades des boutiques obscures et improvisées dans lesquelles les chercheurs de diamants viennent, en une nuit, dépenser l’argent de plusieurs mois d’un féroce labeur. On trouve de tout dans ces « armazems »[3] : des ceintures de cuir avec des gaines de revolver finement ouvragées, des armes, des munitions, des ponchos de laine multicolore, des selles baroques, de la verroterie, des tamis, des pioches et des pics…

Les prix sont exorbitants, car c’est le carrefour des hommes sans loi qui viennent s’équiper avant de s’enfoncer dans la brousse pour échapper à d’éventuelles poursuites et rechercher l’or, l’or qui roule parfois sur les tables, avec des diamants gros ou petits…

De louches tractations ont lieu dans le cadre des arrière-boutiques qui sont des repaires de recel et de débauche. Parfois une bagarre éclate, les lampes à alcool volent en éclats, revolvers et couteaux entrent en jeu sans choisir leurs victimes.

Il y en a toujours qui ne perdent pas le sens des affaires et profitent de la mêlée pour puiser à pleines mains au comptoir, après avoir mis à jour les tripes du négociant. Ils risquent la corde. La tentation est trop forte, et puis, on ne parle jamais des disparus, les colères tombent aussi vite qu’elles naissent, on se donne de grandes claques dans

  1. Cigale.
  2. Alcool de canne à sucre.
  3. Boutiques.