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naises et des « carapatos ». Les murs sont nus, le plancher crevassé. Un râtelier d’armes est dans un coin de la pièce avec une caisse de bois et un petit rideau fané. Il y a aussi une lampe à alcool près du lit et une glace jaune et fêlée.

Aux dires de Pablo, l’homme qui habite ces lieux est la seule autorité du village. Ni police ni prêtres. On n’a pas vu de médecin depuis près de vingt ans.

Je continue à tourner en rond jusqu’à ce que le soleil noie ses derniers rayons dans la rivière et que d’un seul coup, le ciel découvre ses étoiles qui brillent avec intensité. Alors, comme si elle n’avait attendu que cet instant pour me surprendre davantage et me révéler son vrai visage, Leopoldina s’est enfin animée. Des feux parcimonieux rougeoient sous les paillotes, les accords d’une samba sauvage font onduler les croupes, voler jambes et jupons, dans un charivari de cris, d’injures, de musique, déchaînant la passion des hommes exacerbée par les danses suggestives et l’alcool.

Des hommes, maintenant, il y en a partout. Arrivant à pied, à cheval, en pirogue, sortant de la forêt comme des revenants, dépenaillés, barbus, luisants de fièvre. Quelques femmes aussi. Surtout des vieilles. Jaunes ou noires, affreuses et puantes, avec des rires hystériques qui secouent leur goitre et leurs seins flasques, se trémoussant aux bras de grands gaillards à sombreros. D’autres enfin qui n’ont pas d’âge et ne sont femmes que par leurs habits.

Des fillettes rôdent, la jupe tendue sur les hanches. Des hommes ricanent.