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Un vieux noir, ivre et grotesque, s’est affalé contre un mur avec son chapeau de paille sur le visage. Il dort. Tout semble dormir, d’ailleurs, à Leopoldina.

Lorsque nous sommes arrivés ce matin, Pablo m’a d’abord conduit dans la case d’un inspecteur du Service de Protection aux Indiens en tournée d’inspection sur la rivière, puis voyant à ma mine le malaise que je ressentais à mon premier contact avec ce village de la belle au bois dormant, il résuma la situation par ces mots :

— Patience, Français… attends la nuit. Surtout, méfie toi des femmes. Elles ont toutes la vérole. Attention aux « lames », c’est mauvais pour la santé. N’oublie pas… Tire vite, et juste.

Pablo est parti pour Goyana. Je n’ai plus vu les autres passagers, mes taciturnes compagnons de route, ni même le vieux trafiquant malade. Alors, je m’ennuie à mourir. Étrangement oppressé.

Après une rapide inspection des alentours, j’arpente mélancoliquement l’unique pièce qui forme la résidence de l’inspecteur du S.P.I., me penchant parfois à la fenêtre qui domine l’Araguaya aux eaux sales et lentes.

Au bas de la falaise, dans une crique étroite à laquelle on accède par des marches taillées dans la terre rouge et glissante comme une savonnière, une vieille femme agenouillée lave son linge.

Une flottille de pirogues et de barques primitives avec des roofs de branches de palmier, se balance au gré du courant qui forme des remous à peine visibles.

J’ai accroché mon hamac aux poutres du plafond, dédaignant l’étroit lit de camp, domaine exclusif des pu-