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une mélasse grise qu’ils emportent, de leur vol lourd, pour la dévorer un peu plus loin, perchés sur les toits, se découpant sur le ciel, battant des ailes pour conserver leur équilibre et s’envolant à la moindre alerte pour se poser quelques mètres plus loin et continuer la curée.

La bourgade est bruissante des ailes de milliers de mouches vertes qui s’agglutinent sur des peaux d’antilope ou de puma séchant sur des treillages.

Un peu à l’écart du village, un cheval est entravé aux pieux de la clôture d’une maisonnette dont le crépi passé au lait de chaux (depuis longtemps sans doute) est d’un blanc sale, écaillé.

Un homme sort de la maison, jaune, barbu sous les larges bords de son feutre, trainant ses bottes de cuir rouge rongées par les termites, armé d’un colt qui ballotte sur sa cuisse dans une gaine de cuir artistiquement décorée de motifs argentés. Il me fait un signe de la main :

— Salut, étranger.

— Salut…

Puis il s’en va, au pas lent de sa monture, le long de chemins bordés de termitières et d’arbres noirs et tourmentés, avec des nids d’urubus entre les fourches.

Un bébé nu traine à quatre pattes son ventre au nombril saillant. Sa mère, qui jette à la volée des ordures, me voit et saisit le moutard qui piaille. Elle est belle, indolente, avec des yeux trop vifs dans un visage trop morne, métisse aux longs cheveux noirs qui me fait souvenir que quinze jours dans l’atmosphère enfiévrée de la forêt vierge, tout seul, c’est long.