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fisaient pas à me dégoûter de ce romantisme bon marché, voici des moustiques qui se précipitent en bataillons serrés sur ma pauvre chair meurtrie qui en a vraiment marre, avec un vrombissement inexorable et exaspérant. Je trouve encore la force de résister, la vaine prétention d’accepter le combat contre un ennemi invisible, imbattable, acharné, qui, tel le phénix, renait de ses cendres… car plus j’en écrase, plus il en vient. Comme si la brousse tout entière mobilisait ses bataillons pour m’ôter à jamais le goût des aventures.

Je m’énerve, je rugis, je me démène, je les écrase par paquets, je me couvre de leur sang et du mien, tant et si bien que je me trouve à nouveau dans les épines, pleurant de rage cette fois, car je ne sens plus la douleur, ou, du moins, il me semble ne plus la sentir.

Des tiques rongent mes doigts de pieds, s’installent et pondent sans que je puisse faire le moindre geste pour les extirper.

Des arraignées velues qui me semblent énormes me bavent des fils d’argent sur la figure, des carapatos s’installent à leur aise sur mes pectoraux et sous mes aisselles. Tout le petit monde infâme et parasite de cette maudite jungle se donne rendez-vous ce soir sur mon épiderme, dans une conspiration sordide. Cette sacrée nuit semble ne jamais devoir se terminer, je suis mort de sommeil. La tiédeur de cloaque du réservoir d’eau n’arrive pas à cicatriser les plaies qui me couvrent des pieds à la tête et déjà gangrènent.

Heureux paysans de nos calmes campagnes, lits moelleux et profonds, draps parfumés à la lavande, confort